jeudi 2 novembre 2023

De longs mois sans vous...

 Cela fait un certain temps ou un temps certain que je n’ai plus publié sur mon blog, et je le regrette bien.

    Vous avoir abandonnés, chers lecteurs et lectrices, est impardonnable !

    Pour ma défense, j’ai été « maltraitée » par une personne sans scrupules. Celle-ci m’a volé mon identité, massacré ce que j’avais créé en se permettant de changer le texte d’un conte, sans mon autorisation, et que je lui avais confié en toute quiétude. Déstabilisée et complètement dégoûtée par cet acte, j’ai mis plusieurs mois à me remettre à l’écriture.

    Oui, pour créer, il est bon d’avoir un esprit libre. Et là, ce n’était plus le cas.

    Aujourd’hui, je reprends du « poil de la bête » et m’amuse à nouveau en alignant sur les feuilles blanches, les mots qui vous emmèneront dans les labyrinthes de mes histoires.

    Et voici pour vous :

LÉNAÏS 

C’est une gamine charmante,

Charmante, charmante,

Qui possède une âme innocente,

Innocente.

En elle tout est poésie, poésie

Elle répond au joli nom de Lénaïs.

Toutes ces petites choses articulées, ailées et pourvues de six pattes, Lénaïs les traquait. 

Elle s’installait devant la fenêtre, là où une mouche virevoltait. Lénaïs se concentrait sur elle. De sa loupe, elle observait le diptère pour mieux découvrir ses spécificités. Elle gardait toujours sous la main, un petit verre blanc transparent. Silencieuse et patiente, Lénaïs attendait le bon moment pour capturer l’insecte. D’un bruit sec et léger, elle l’enfermait dans cette prison et, avec soin, glissait un papier entre la vitre et le gobelet. La petite chose s’insurgeait contre cette séquestration et émettait un bruit de « vélomoteur » pour signaler son indignation.

Lénaïs ricanait en voyant les pitreries de cet être voleter dans tous les sens, s’essouffler, se cogner contre la paroi. Tout ce prélude n’était pas pour libérer le diptère !

L’adolescente glissait sa main entre la feuille et le bord du verre en faisant bien attention que la mouche ne s’échappe pas. Du pouce et de l’index, elle essayait d’attraper les ailes délicates. Quand Lénaïs en tenait une, elle l’arrachait du corps de sa victime dans un éclat de rire qui se répercutait dans toute la pièce.

Le jeu ne s’achevait pas là. Une mouche a une paire d’ailes… Il lui fallait ôter la deuxième.

        Pauvre petite bête pollinisatrice ! Rendre service aux humains et tomber sous les doigts méchants et vicieux d’une gamine… Lénaïs jubilait et se préparait pour attraper son deuxième trophée. Ce fut un peu plus facile. L’insecte ne se déplaçait plus qu’avec difficulté, et le coincer contre un bord du verre fut chose aisée. Lénaïs pinça entre ses doigts l’aile fragile. Elle enleva le couvercle de papier et lança le reste du prisonnier par la fenêtre, heureuse de son tour de force et de la souffrance infligée.

Les jours passant, l’adolescente persévéra dans ces jeux assassins. Elle installa un insectarium dans sa chambre, au grand dam de sa mère.

*******

J’arrivai chez elle sans qu’elle m’y ait invitée. Invisible à ses yeux, je me faufilai là, bien au chaud au cœur de sa chambre. Je surveillais ses allées-venues. Discrètement. Elle, plus préoccupée par son activité que par ma présence, regardait avidement, sous la lentille de son microscope, l’être vivant qu’elle venait de saisir. Quand l’observatrice en avait fini avec sa proie, sans scrupule, elle la balançait d’un geste brusque dans la cage de verre et la refermait d’un couvercle grillagé.

À la nuit venue, quand tout dormait dans la maison, je pouvais enfin me dégourdir les jambes. J’allais à la recherche de ma pitance. Je me hissais sur la paroi de verre et de ma tête étroite aux gros yeux, je repoussais légèrement l’obstacle. Je m’introduisais dans ce garde-manger.

Bien sûr, c’était la panique. Tous se réveillaient en sursaut, se dissimulaient sous diverses décorations et le jeu « un, deux trois soleil », pouvait commencer. De ma démarche élégante, avec mes longues pattes filiformes aux poils collants, je me prêtais à cette rencontre singulière, à ce corps à corps. Cette brève compétition ne durait que quelques secondes.

Je saisissais ma proie. Je l’enlaçais. De mon rostre pointu, je l’embrassais pour mieux injecter ma bave toxique et liquéfier ses organes internes. Je me régalais. Je sirotais ses entrailles… Jusqu’au moment où elle n’était plus qu’un cadavre vide.

Et je reprenais le chemin du retour pour la suite de la nuit. 

*******

Pourtant, un soir, je voulus goûter à d’autres mets. Je me dirigeai vers cette fille qui aimait les insectes. Son doux ronflement m’indiquait qu’elle dormait, paisible. Ses bras allongés au-dessus de la couette, me laissaient voir un chemin duveteux. Je me glissai entre la peau et la manche de flanelle. Je marchai jusqu’à la naissance de ce cou magnifique et bronzé. Je n’allais pas m’arrêter là ! Les lèvres, roses et entrouvertes, m’attiraient comme un aimant. À la commissure de la bouche, de mon rostre pointu, je lui offris ma bave toxique.

Lénaïs a gémi. D’un mouvement brusque, elle a tourné la tête et j’ai glissé dans sa longue chevelure blonde. M’accrochant à elle, j’ai escaladé ce visage jusqu’à cette oreille gauche. Et là, extase ! J’ai savouré, encore et encore, son sang sucré en lui laissant, pour souvenir, mon venin. Repue et heureuse, j’ai désiré visiter un autre lieu, quand sa main s’éleva, me cherchant. Voulait-elle me taper, m’expulser ?

Elle s’est redressée, a allumé la lampe de chevet. Regardé autour d’elle. Rien. Inquiète et épiant le moindre mouvement, longtemps, elle a tendu l’oreille. Rien.

Mais moi, sous l’oreiller, je n’ai pas bougé.

Lénaïs a éteint la lumière, s’est recouchée.

Moi, le Réduve, la punaise assassine, je sors de ma cachette et reprends le chemin de mon lieu de repos, heureuse de lui avoir fait l’offrande de ma salive toxique, qui lui permettra de jouer au yoyo avec la maladie de Chagas.

C’est une gamine charmante,

Charmante, charmante,

Qui possède une âme innocente,

Innocente.

En elle tout est poésie, poésie

Elle répond au joli nom de Lénaïs



 

 

dimanche 19 juin 2022

Sous le soleil, tout simplement, avec les bisons...

 

Le Bison Ranch d’Orchimont

Par ce samedi ensoleillé, je suis retournée au « Bison Ranch d’Orchimont » dans les Ardennes belges. Ma prochaine nouvelle, dont l’un des héros est un bison, se devait de revoir ce lieu original.

Dès que vous quittez votre voiture et empruntez le sentier qui descend vers le domaine, vous vous retrouvez là-bas dans l’Ouest Américain.

Arrivée bien avant l’heure du « Wagon trail », j’ai conversé longuement avec Candice Leroy la compagne du créateur de ce lieu insolite : Laurent Naveau.

L’entendre expliquer le pourquoi, le comment de cet investissement, voilà une conversation bien agréable sur cet historique passionnant.

14h30, l'heure du "voyage". 

Dans le « Wagon Trail », conduit par Laurent, j’ai redécouvert une partie de la propriété avec ses tipis, ses cascades, ses autres merveilles et la traversée de l’histoire américaine.

Nous nous sommes arrêtés au milieu d’une prairie entourée de bocages où, un des troupeaux de bisons s’abandonnait à ses occupations : brouter, ruminer, profiter du moment présent. Toutes les femelles, avec chacune son bisonneau, étaient là tranquilles. Les trois mâles du troupeau, l’un d’une vingtaine d’années impressionnant par sa stature, et les deux autres de trois ans, nettement plus « frêle », nous observaient de leurs grands yeux frangés de longs cils, paisibles.

 Les questions / réponses ont fusé au cours de cet arrêt.

Nous avons profité de la pause au milieu de ces bovidés, pour apprécier ces animaux à la merveilleuse toison et aux qualités écologiques indéniables.

 Au retour, je me suis installée dans le « Saloon » digne d’un grand western.

J’y ai dégusté les « Bisonnailles » : un met délicat et délicieux, servi copieusement et, que je vous conseille fortement …

Un site à découvrir avec des enfants ou entre amis, un accueil plus que chaleureux, un moment à partager …

Merci à Candice Leroy et à Laurent Naveau pour cette incursion de l’Amérique lointaine dans nos Ardennes.

            

www.bisonranchorchimont.com 

 

dimanche 29 mai 2022

Sur un petit air de...

Dans un désert 
Y’avait un dromadaire 
Qui se prenait pour le plus grand des sages 
Dans un désert 
Y’avait un dromadaire 
Qui se prenait pour un grand souverain 

Alligators 
Portant un’ amphore 
Ils marchaient fiers comme des conquistadores 
Alligators 
Portant un’ amphore 
Marchaient au pas au son des tambourins 

Dans un désert 
Y’avait un dromadaire 
Qui se prenait pour le plus grand des sages 
Dans un désert 
Y’avait un dromadaire 
Qui se prenait pour un grand souverain 

Les doryphores 
Et leurs passiflores 
Ils trottinaient s’essoufflant comme de pauvres pantins 
Les doryphores 
Et leurs passiflores 
S’essoufflaient aux rythmes des flageolets 

Dans un désert 
Y’avait un dromadaire 
Qui se prenait pour le plus grand des sages 
Dans un désert 
Y’avait un dromadaire 
Qui se prenait pour un grand souverain 

Les gros castors 
Tiraient l’arbre d’or 
Traînaient leurs pattes exécutant comme un menuet 
Les gros castors 
Tiraient l’arbre d’or 
Et ils suivaient au son des grands flûtiaux 

Dans un désert 
Y’avait un dromadaire 
Qui se prenait pour le plus grand des sages 
Dans un désert 
Y’avait un dromadaire 
Qui se prenait pour un grand souverain

Petit exercice pour le plaisir des mots :
J'ai tiré au sort :
- une chanson enfantine : "la Marche des rois"
- un lieu : un désert
- plusieurs personnages : un dromadaire - un alligator - un doryphore et un castor 

Le collage de Joëlle Lartelier (2018)


 

dimanche 1 mai 2022

Un petit poème en hommage aux Pivoines de mon jardin


 Comme des aigremoines

Ancrées dans la calcédoine

Bien à l’abri comme les moines

Elles offrent leur patrimoine

Mes Pivoines

 

Leurs pétales tendres

S’ouvrent sans esclandre

Sous les yeux de la scolopendre

Pour nous surprendre

Les Pivoines

 

Le soleil tout attendri

Et sans brusquerie

Caresse ces broderies

Chant et badinerie

Chœur de Pivoines

 

Avec les pluies accompagnées

De ses vents acérés

Leur corolle apprêtée

Ne sont plus que pétales assassinés

Pauvres Pivoines

 

Elles refleuriront au printemps prochain

Pour m’offrir un nouveau bouquet c’est certain

Je le caresserai encore de mes mains

Comme je le fais chaque matin

Amour de Pivoines






 

 

jeudi 10 février 2022

"Appelez-moi Igor" & avis de quelques bloggeuses...

 

Non non, je ne vous ai pas oubliés, mes chères lectrices et mes chers lecteurs…

Oui, je sais ! Beaucoup d’eau s’est écoulée sous les ponts depuis mon dernier article… mais c’était pour mieux rebondir.

Rebondir et écrire de nouveaux contes, de nouvelles histoires sans oublier mes « Jeux poético-poétiques ».

Comme vous le savez, j’ai écrit « Appelez-moi Igor » en 2019 et je l’ai auto-édité.

Aujourd'hui, la nouvelle maison d’édition « Le Lion Z’ailé de Waterloo » publie une édition revue et corrigée de ce conte pour de jeunes lecteurs de 7 à 9 ans.

 


Avis de bloggeuses :

...
Un livre court qui se lit très vite mais et qui a l’avantage d’être divisé en vrais chapitres ce qui permet de s’arrêter facilement avec un enfant...

.... On parle d’amitié et de devoir faire un choix, côté très intéressant. L’auteur a donné une âme à ces objets arrachés du vivant...


...   Si vous recherchez une lecture douce, pleine de rêves alors ce roman est parfait pour vous. 
Dans ce roman, ce ne sont pas les jouets qui parlent mais les meubles... 
... C'est une jolie histoire que j'ai hâte de pouvoir relire avec mes enfants quand ils seront un peu plus grands.
Chacun apprend à vivre avec les autres, à apprécier les rêves et les passions de chacun malgré une commode qui peut-être méchante et désagréable.
J'ai trouvé ce petit roman très beau, j'ai passé un très bon moment pendant cette lecture très fluide et très rapide...

... Un nouveau éditeur avec "Le Lion Z'Ailé" qui nous propose un conte pour enfant et c'est une grande réussite tant dans l'histoire qui se lit tel un récit rocambolesque. 

Ce conte merveilleux n'est pas mièvre contrairement à ce que l'on pourrait redouter mais au contraire d'une grande finesse psychologique ! L'univers de Joëlle Lartelier est si bien construit ! C'est d'une beauté à couper le souffle et pourtant il ne manque parfois pas de tristesse et de noirceur. La plume de l'auteur est juste, évocatrice, sensible et forte...

Merci aux bloggeuses pour leur avis et, si vous avez lu le livre, n’hésitez pas à me faire part de votre ressenti.


https://boomesometime.wordpress.com/2022/02/18/chronique-appelez-moi-igor-joelle-lartelier/

https://culturevsnews.wordpress.com/2022/02.22/appelez-moi-igor-joelle-lartelier/

https://www.le-lion-zaile.com 
contact : +32 472 42 32 23





 

 



vendredi 8 octobre 2021

AFFREUX, SALES & MARRANTS...

 


Balades contées

Promenons-nous dans le bois

À la recherche de ces Rois

Si les insectes y sont

Nous serons en pâmoison

Mais si ils se cachent

Nous verrons bien leurs moustaches. 

À pas contés, tout en nous promenant dans le monde bucolique de ces insectes non négligeables, nous découvrirons leur univers à travers leurs histoires, leurs chansons, leurs poésies… micro-organisme.

 

À découvrir au Festival CHIMÈRES 


le samedi 16 octobre à 11heures

à la Ferme du Planois, rue de la Chapelle au Foya 22, à 7090 Hennuyères.

Infos & réservations :

Billetterie du festival : 0477 75 75 07 ou federationdesconteurs@gmail.com

www.conteurs.be

Centre Culturel de Braine-le-Comte : 067 87 48 93 www.ccbl.be   

 

OU 

À découvrir dans le cadre du WEEK-END DU BOIS à Bon-Secours

le dimanche 17 octobre à 15heures

Parc Naturel des Plaines de l’Escaut, rue des Sapins 31, à Bon-Secours.

Réservation : 069 77 98 10 https://www.billetweb.fr/pro/pnpe 

 


lundi 5 avril 2021

Un petit conte pour un lundi de Pâques venteux...


Imaginez une immense forêt là-bas, dans les régions du Nord.

Imaginez des arbres millénaires bercés par les aventures du vent.

Imaginez une histoire qui débute dans un terrier.

- Avez-vous vu cet œuf ? Il a une forme bizarre, demande la lapine à son mari.
- Et qui a osé faire rouler cette chose chez nous ?
- Il est assez volumineux, d’où peut-il venir ?
- Ce n’est pas un coucou. Ce n’est pas un hibou. Je pense que nous devons nous renseigner auprès des hôtes de ces bois.

    Voilà notre couple de mammifères qui parcourt la forêt en tenant précieusement l’œuf découvert. À chaque fois qu’ils demandent à une oiselle :
- Auriez-vous perdu votre œuf ? 
- Oh ! Quelle horreur ! Non, je fais trop attention à ma couvée.
    Au bout de la journée, déçus et fourbus, nos deux lapins rentrent chez eux. Après un souper léger, ils se pelotonnent près de l’œuf pour le protéger, on ne sait de quoi.

    Cette nuit-là, un rayon lunaire s’infiltre dans la demeure sous terre et éclaire l’œuf précieux de nos deux amoureux. Sous quel effet ? Pourquoi ? Toujours est-il que lentement sur la coquille se dessinent des zébrures de plus en plus longues et larges. 
    Les deux lapins se réveillent en sursaut quand ils entendent les brisures de l’œuf. Quand ils voient apparaître un bec noir, une tête noire aux yeux noirs, ils se terrent au fond du terrier.
L’œuf continue de se craqueler et la chose se dévoile dans son entièreté.
- Comme il est étrange, dit le lapin.
- Tu as vu son corps ? lui répond la lapine.
- Et ses pattes… ou ce sont des ailes ridicules ?
- Il ne ressemble à rien de ce que nous connaissons ! 
- Crois-tu qu’il mange comme nous ?
    Notre couple observe cet être sans plus rien dire. L’intrus se secoue, pousse de petits cris : un chant ? Il essaie de marcher, ce qu’il réussit de façon assez burlesque. 
    L’instinct maternel de la lapine, fait qu’elle s’approche de lui. Tout de suite, celui-ci se frotte, essaie de se glisser sous le pelage entre les pattes arrière du mammifère.
    Mais la chose est aussi volumineuse qu’elle. Notre lapine glapit et tombe à la renverse. Il chante une mélopée, le petit intrus, sa voix nasillarde se propage dans tout le terrier.
    Le lapin, qui jusqu’à présent, n’avait rien dit, s’approche de lui et, de ses pattes, l’entoure pour le réconforter. Il recule doucement en tenant le nouveau-né jusqu’au mur du fond et là, s’appuie pour garder son équilibre.
    L’enfant de l’œuf ferme les yeux, s’endort doucement, sa respiration se fait plus lente. Le lapin n’ose bouger. La lapine se blottit dans un coin du terrier.

    Quand le soleil réveille la forêt, les chants des oiseaux titillent les oreilles des lapins, mais également de la petite chose.
    Le lapin qui s’était endormi en serrant ce petit être, s’est rendu compte que ce n’étaient pas des poils ordinaires qui recouvraient le corps, mais des plumes douces et soyeuses. 
- Serait-ce une espèce d’oiseau ? Il possède deux membres supérieurs en forme d’ailes courtes, mais elles en ont la forme. Le corps est assez potelé, et ses pattes sont palmées comme celles de mon ami le Canard Colvert, se dit-il en lui-même. Je vais aller me renseigner auprès de lui.

    La petite chose commence à remuer, à battre des ailes, à marcher dans le terrier, il crie, il a faim. Mais que mange-t-il ?
    La lapine, elle, était déjà sortie pour aller chercher le petit déjeuner, et revenait les pattes encombrées de baies rouges et mauves, de feuilles de trèfles et de fleurs, de quelques champignons.
    Elle dépose cet appétissant buffet au milieu de l’espace et tous les trois s’attablent, enfin s’asseyent à même le sol, pour déguster ce repas.
    De leurs pattes, les lapins choisissent les mets qu’ils préfèrent. L’hôte, lui, picore dans le tas et fait valser baies, trèfles, fleurs et champignons un peu partout dans le trou de terre sous les yeux ébahis de notre couple.
- Cela n’a pas trop l’air de lui plaire, dit la lapine déçue.
- Je vois. Nous allons, tous les trois, nous rendre à l’étang du Bois Perdu, notre ami le Canard pourra peut-être nous renseigner sur cet animal étrange.

    Après ce repas bousculé, ils remontent à la surface. Le soleil est déjà haut dans le ciel qu’ils parcourent les sentiers touffus de la forêt. L’étranger a du mal de suivre ses parents adoptifs : il sautille, bat de ses petites ailes.
    La promenade dure longtemps et les lapins sont assez impatients, mais ils comprennent que ce bébé tout nouveau ne peut se mouvoir aussi vite qu’eux.
    Tout en marchant, les autres habitants du lieu, s’agglutinent peu à peu derrière eux : ils n’ont jamais rien vu de pareil. Les discussions vont bon train. Chemin faisant, ils arrivent à l’étang. La nouvelle de cette « petite chose » a déjà été annoncée par les mésanges noires. 
    Le comité d’accueil : les canards, les foulques, les poules d’eau, ainsi que quelques cormorans, oies du Canada et oies d’Égypte sont là. Toute cette cour d’oiseaux discute et caquette. La conversation est interrompue par l’arrivée du cortège.
    Une oie du Canada saute sur le rivage et s’approche de l’étranger. Elle tourne autour de lui, silencieuse. Un silence étonnant s’étend sur tout le petit peuple. Ils attendent le verdict de la doyenne des oies :
- Mes amis, dit-elle émue, vous avez devant vous un pingouin.
Une onde de murmures se fait entendre.
- C’est quoi un pingouin, demande un caneton encore sur l’eau.
- Le pingouin, enchaîne l’oie, est un oiseau.
- Un oiseau ? dit, en chœur, le peuple présent.
- Un oiseau palmipède des mers arctiques. Il vole comme nous les oies, plonge dans les eaux glacées à la recherche de sa nourriture : les poissons.
- Voilà pourquoi il n’a pas aimé mon petit déjeuner, dit la lapine.
- Il doit être affamé, ajoute en cormoran qui plonge aussitôt au fond de l’étang.  
    Le cormoran revient avec un poisson frétillant qu’il dépose aux pieds du pingouin. Celui-ci, tout heureux, engloutit le mets délicieux.
- Nous devons nous organiser pour nourrir cet oiseau, ajoute encore la doyenne des oies.

    Les quelques cormorans présents se concertent, puis chacun à leur tour, plonge et remonte. Le pingouin, heureux, dévore tous ces dons.
    Une cane propose qu’on lui construise un nid près du sien : il sera ainsi parmi ses congénères et non loin du garde-manger. Tous les palmipèdes offrent leur aide pour le bâtir.
    Le cortège se disloque et les conversations vont toujours bon train. 
    Durant toute cette journée ensoleillée, les habitants du grand étang se relaient pour nourrir le pingouin et lui préparer un nid moelleux à l’abri des prédateurs.
    Notre couple de lapins, soulagé, reste auprès de lui pour lui tenir compagnie.
    
    Quand le soleil descend sur la forêt, les lapins quittent à regret  leur « enfant » pour se reposer dans leur terrier.