Cela fait un certain temps ou un temps
certain que je n’ai plus publié sur mon blog, et je le regrette bien.
Vous avoir abandonnés, chers lecteurs et
lectrices, est impardonnable !
Pour ma défense, j’ai été
« maltraitée » par une personne sans scrupules. Celle-ci m’a volé mon
identité, massacré ce que j’avais créé en se permettant de changer le texte d’un
conte, sans mon autorisation, et que je lui avais confié en toute quiétude. Déstabilisée
et complètement dégoûtée par cet acte, j’ai mis plusieurs mois à me remettre à
l’écriture.
Oui, pour créer, il est bon d’avoir un
esprit libre. Et là, ce n’était plus le cas.
Aujourd’hui, je reprends du « poil de
la bête » et m’amuse à nouveau en alignant sur les feuilles blanches, les
mots qui vous emmèneront dans les labyrinthes de mes histoires.
Et voici pour vous :
LÉNAÏS
C’est
une gamine charmante,
Charmante,
charmante,
Qui
possède une âme innocente,
Innocente.
En
elle tout est poésie, poésie
Elle
répond au joli nom de Lénaïs.
Toutes
ces petites choses articulées, ailées et pourvues de six pattes, Lénaïs les
traquait.
Elle
s’installait devant la fenêtre, là où une mouche virevoltait. Lénaïs se
concentrait sur elle. De sa loupe, elle observait le diptère pour mieux
découvrir ses spécificités. Elle gardait toujours sous la main, un petit verre
blanc transparent. Silencieuse et patiente, Lénaïs attendait le bon moment pour
capturer l’insecte. D’un bruit sec et léger, elle l’enfermait dans cette prison
et, avec soin, glissait un papier entre la vitre et le gobelet. La petite chose
s’insurgeait contre cette séquestration et émettait un bruit de
« vélomoteur » pour signaler son indignation.
Lénaïs
ricanait en voyant les pitreries de cet être voleter dans tous les sens,
s’essouffler, se cogner contre la paroi. Tout ce prélude n’était pas pour
libérer le diptère !
L’adolescente
glissait sa main entre la feuille et le bord du verre en faisant bien attention
que la mouche ne s’échappe pas. Du pouce et de l’index, elle essayait
d’attraper les ailes délicates. Quand Lénaïs en tenait une, elle l’arrachait du
corps de sa victime dans un éclat de rire qui se répercutait dans toute la
pièce.
Le
jeu ne s’achevait pas là. Une mouche a une paire d’ailes… Il lui fallait ôter
la deuxième.
Pauvre petite bête
pollinisatrice ! Rendre service aux humains et tomber sous les doigts
méchants et vicieux d’une gamine… Lénaïs jubilait et se préparait pour attraper
son deuxième trophée. Ce fut un peu plus facile. L’insecte ne se déplaçait plus
qu’avec difficulté, et le coincer contre un bord du verre fut chose aisée.
Lénaïs pinça entre ses doigts l’aile fragile. Elle enleva le couvercle de
papier et lança le reste du prisonnier par la fenêtre, heureuse de son tour de
force et de la souffrance infligée.
Les
jours passant, l’adolescente persévéra dans ces jeux assassins. Elle installa
un insectarium dans sa chambre, au grand dam de sa mère.
*******
J’arrivai
chez elle sans qu’elle m’y ait invitée. Invisible à ses yeux, je me faufilai
là, bien au chaud au cœur de sa chambre. Je surveillais ses allées-venues.
Discrètement. Elle, plus préoccupée par son activité que par ma présence,
regardait avidement, sous la lentille de son microscope, l’être vivant qu’elle
venait de saisir. Quand l’observatrice en avait fini avec sa proie, sans
scrupule, elle la balançait d’un geste brusque dans la cage de verre et la
refermait d’un couvercle grillagé.
À
la nuit venue, quand tout dormait dans la maison, je pouvais enfin me dégourdir
les jambes. J’allais à la recherche de ma pitance. Je me hissais sur la paroi
de verre et de ma tête étroite aux gros yeux, je repoussais légèrement
l’obstacle. Je m’introduisais dans ce garde-manger.
Bien
sûr, c’était la panique. Tous se réveillaient en sursaut, se dissimulaient sous
diverses décorations et le jeu « un, deux trois soleil »,
pouvait commencer. De ma démarche élégante, avec mes longues pattes filiformes
aux poils collants, je me prêtais à cette rencontre singulière, à ce corps à
corps. Cette brève compétition ne durait que quelques secondes.
Je
saisissais ma proie. Je l’enlaçais. De mon rostre pointu, je l’embrassais pour
mieux injecter ma bave toxique et liquéfier ses organes internes. Je me
régalais. Je sirotais ses entrailles… Jusqu’au moment où elle n’était plus
qu’un cadavre vide.
Et
je reprenais le chemin du retour pour la suite de la nuit.
*******
Pourtant,
un soir, je voulus goûter à d’autres mets. Je me dirigeai vers cette fille qui
aimait les insectes. Son doux ronflement m’indiquait qu’elle dormait, paisible.
Ses bras allongés au-dessus de la couette, me laissaient voir un chemin
duveteux. Je me glissai entre la peau et la manche de flanelle. Je marchai
jusqu’à la naissance de ce cou magnifique et bronzé. Je n’allais pas m’arrêter
là ! Les lèvres, roses et entrouvertes, m’attiraient comme un aimant. À la
commissure de la bouche, de mon rostre pointu, je lui offris ma bave toxique.
Lénaïs
a gémi. D’un mouvement brusque, elle a tourné la tête et j’ai glissé dans sa
longue chevelure blonde. M’accrochant à elle, j’ai escaladé ce visage jusqu’à
cette oreille gauche. Et là, extase ! J’ai savouré, encore et encore, son
sang sucré en lui laissant, pour souvenir, mon venin. Repue et heureuse, j’ai
désiré visiter un autre lieu, quand sa main s’éleva, me cherchant. Voulait-elle
me taper, m’expulser ?
Elle
s’est redressée, a allumé la lampe de chevet. Regardé autour d’elle. Rien.
Inquiète et épiant le moindre mouvement, longtemps, elle a tendu l’oreille.
Rien.
Mais
moi, sous l’oreiller, je n’ai pas bougé.
Lénaïs
a éteint la lumière, s’est recouchée.
Moi,
le Réduve, la punaise assassine, je sors de ma cachette et reprends le chemin
de mon lieu de repos, heureuse de lui avoir fait l’offrande de ma salive
toxique, qui lui permettra de jouer au yoyo avec la maladie de Chagas.
C’est
une gamine charmante,
Charmante,
charmante,
Qui
possède une âme innocente,
Innocente.
En
elle tout est poésie, poésie
Elle
répond au joli nom de Lénaïs